Vous souhaitez louer votre terrain à un développeur / opérateur d’électricité solaire pour y implanter une centrale photovoltaïque ? Décryptage du processus en 3 étapes.
Le propriétaire signe une promesse de bail avec un développeur photovoltaïque (PV). Cette promesse “bloque” le terrain au bénéfice du développeur, le temps pour lui de réaliser les études et de déposer une demande de permis de construire.
S’il l’obtient, le développeur peut lever l'option : acte qui confirme sa volonté de louer le terrain, selon les modalités convenues dans la promesse de bail.
Et dans le cadre d’un contrat de location de terrain en vue d’y implanter une centrale photovoltaïque, ce bail est un bail emphytéotique, il est signé devant un notaire et sa durée sera de minimum 18 ans.
Les projets se multiplient ; "Qualifier d’exponentielle la progression de l’énergie solaire n’est pas une hyperbole, mais un constat. La capacité solaire installée double environ tous les trois ans, et est donc multipliée par dix chaque décennie." (The Economist, 24/06/2024)
Dans ce contexte, il est important de bien comprendre les règles et enjeux de la promesse de bail, avant d’en signer une avec un développeur photovoltaïque.
1. C’est un bail de longue durée qui garantit des revenus et valorise votre terrain.
Un bail emphytéotique est un contrat de location de longue durée, entre 18 et 99 ans, qui donne au locataire (ou preneur) un droit réel sur le terrain, tout en lui assurant de rester propriétaire des constructions qu’il érige. Ce type de bail est né sous l’Empire romain pour permettre aux grands propriétaires fonciers de valoriser leurs terres sans en payer les charges. Principalement, cela passait par la transformation de friches en champs cultivables, d’où la présence importante de baux emphytéotique dans le monde agricole.
Dans le sens où elle valorise un terrain peu ou pas exploité, la centrale photovoltaïque est comparable à l’exploitation agricole d’un terrain nu.
2. Municipalités ou privés, toutes les personnalités juridiques peuvent signer un bail emphytéotique.
S’il a des origine rurales et privées, le bail emphytéotique est tout à fait adapté à des biens immobiliers urbains et publics. Le maire d’une municipalité, un industriel, un propriétaire foncier, un agriculteur, etc. : tous peuvent conclure sur leur domaine un bail emphytéotique avec un producteur d'électricité photovoltaïque (PV). En effet, ce type de bail n’est limité ni dans son secteur d’implantation, ni par la nature et la destination des immeubles.
Le cas des mairies : comme pour toute collectivité territoriale, une commune peut tout à fait signer un bail emphytéotique de droit commun, au même titre qu’un propriétaire privé. Une condition : le terrain en question doit faire partie de son domaine privé. Et s'agissant de terrains susceptibles d'accueillir des projets photovoltaïques, il s'agira dans l'immense majorité des cas de dépendances du domaine privé.
Le bail emphytéotique a une application immobilière très générale, et sa force réside dans le fait qu’il propose des garanties très sécurisantes aux signataires (bailleur et locataire), mais aussi aux investisseurs éventuels.
3. Le bail emphytéotique permet de grever les installations d’hypothèques : une protection rassurante pour propriétaires et investisseurs.
En effet, une centrale photovoltaïque, ce sont plusieurs millions, plusieurs dizaines de millions d’euros d'investissement. Le retour sur investissement est d’abord garanti par la durée du contrat. Et en cela, le bail emphytéotique est très adapté. Mais un bail ordinaire peut aussi garantir une longue durée. Ce qui différencie un bail emphytéotique d'un bail ordinaire, c'est qu’il permet de donner en garantie à la fois le droit réel sur le terrain, mais aussi les constructions. En effet, ceux-ci font l’objet d’une publication à la conservation des hypothèques (aussi appelée « Services de la publicité foncière »). Et en cas de mauvaise gestion de la centrale par le preneur, et si celui-ci met la clé sous la porte, les investisseurs peuvent devenir directement propriétaires de la centrale et peuvent la céder à un nouveau locataire. Cela garantit, entre autres, au bailleur de réduire son risque de loyers impayés.
D’où la nécessité de contractualiser le bail emphytéotique devant notaire, afin qu’il soit opposable aux tiers.
4. En tant que propriétaire, vous êtes bien protégé face aux dégradations éventuelles de votre terrain.
Certes, le locataire est propriétaire de la centrale photovoltaïque, mais le bail emphytéotique l’oblige à conserver la centrale photovoltaïque en bon état d’entretien et à en supporter tous types de charges. C’est une des conditions essentielles du contrat. De plus, le locataire doit aussi avoir un usage “en bon père de famille” du bien loué, c'est-à-dire le terrain. Il est tenu de le conserver en bon état d’entretien et s'assure des réparations de toutes natures, ce principe ne pouvant souffrir d’aucune dérogation, totale ou partielle. Cet article L451-8 al.2 du code rural et de la pêche maritime protège la propriété et le bailleur (municipalité, industriel, propriétaire privé, agriculteur…).
Pour un propriétaire foncier, c’est une garantie légale très forte qui le protège de la dégradation de son bien, du fait du locataire.
5. La remise en état initial du terrain à l’expiration du contrat est une condition sine qua non du bail emphytéotique.
Et que se passe-t-il à la fin du bail, lorsque les panneaux deviennent moins, voire plus du tout, productifs ? Par défaut, si le contrat ne prévoit rien à ce sujet, le bailleur devient propriétaire de la centrale photovoltaïque. En pratique, les dispositions prises dans le bail évitent que les propriétaires (municipalités, collectivités territoriales, agriculteurs, propriétaires privés) se retrouvent exploitants d’une centrale à rénover. Et pour cela, deux options sont possibles : soit le contrat est prorogé, et cela doit être prévu dans le bail initial, soit le locataire doit remettre en état le bien loué. La remise en état implique la démolition de toutes les installations que le locataire a pu librement réaliser en cours de bail. Les détails présents dans cette clause de “démantèlement” sont majeurs dans la négociation d’un bail emphytéotique. En tous les cas, à l’échéance du bail, le locataire ne bénéficie ni d’un droit au maintien dans les lieux, ni de l'octroi préférentiel d’un bail, ni d’indemnités.
En ce sens, le propriétaire d’un terrain loué pour l’exploitation d’une centrale photovoltaïque est, ici aussi, plutôt bien protégé par le régime du bail emphytéotique.
6. En cas de non-respect des conditions essentielles du contrat de location, demandez la résiliation judiciaire du bail emphytéotique.
La loi régissant le bail emphytéotique protège un équilibre dans le temps entre le bailleur, le locataire et… les investisseurs de la centrale photovoltaïque. Cette protection régie par ce type de bail ne permet pas, en principe, de résilier un bail emphytéotique, sauf dans deux cas exceptionnels, lorsque cet équilibre est rompu durablement :
Le non-paiement des loyers pendant une période de deux ans consécutifs entraîne la résolution judiciaire du bail. Certes, cette période est longue pour un propriétaire, en réalité, elle est proportionnelle à la durée totale d’un bail emphytéotique.
La détérioration du bien immobilier : dans le cadre d’une centrale photovoltaïque, il faudrait constater une pollution, par exemple. Un cas plutôt exceptionnel.
La résiliation du bail emphytéotique entraîne automatiquement l’extinction des hypothèques grevant le bail résilié : le bailleur ne subit pas la survie des hypothèques au-delà de la date d’échéance prévue.
Ces protections sont rassurantes, mais pas suffisantes selon nous. Il existe des mécanismes additionnels à mettre en place dans le bail afin de protéger davantage le propriétaire.
7. Signez un bail emphytéotique si vous louez vos parcelles en vue de l’implantation d’une centrale photovoltaïque, pas un bail à construction.
Une des tentations pour un développeur / opérateur photovoltaïque est de faire signer à un propriétaire foncier un bail à construction, plutôt qu’un bail emphytéotique. En effet, les régimes applicables à ces deux types de baux sont très proches (libre hypothèque, libre cession, possibilité de consentir certaines servitudes, caractère saisissable). Le point positif pour un opérateur, c’est qu’il bénéficie de réductions fiscales non négligeables dans un bail à construction : l’impôt est dû sur le prix de revient après déduction d’une décote de 8% par année de bail au-delà de la dix-huitième année, et d’une exonération au-delà de la trentième année. Pourtant, le risque de voir le contrat requalifié en bail de droit commun est élevé. En effet, un bail à construction met tout simplement à la charge du locataire une obligation de construire un bâtiment, or les tribunaux estiment qu’une centrale photovoltaïque, ou centrale solaire, n’est pas considérée comme une construction de bâtiment. Donc, si le contrat est requalifié par l’Administration ou les Tribunaux en contrat soumis au régime de droit commun, cela comporte des risques difficilement prévisibles, à la fois pour le bailleur, mais aussi pour le preneur.
L’avantage étant fiscal pour un opérateur, le propriétaire n’a aucun intérêt à signer un contrat de bail à construction. Pour un propriétaire foncier, seul le contrat de bail emphytéotique est suffisamment protecteur de ses droits.
Le cas spécifique de l’agrivoltaïsme
Les projets agrivoltaïques allient agriculture et photovoltaïque. Une partie supplémentaire dans les relations contractuelles est donc concernée : l’agriculteur. Dans ce cas, le bail emphytéotique régira les relations entre le propriétaire du terrain et le développeur.
Selon le montage contractuel choisi le bail emphytéotique peut :
Concerner tout le terrain sans démembrement.
Ne concerner que le volume haut du terrain (ce qui se trouve au-dessus du sol) en conservant le bail rural sur le volume bas (sol),
Pour plus d'informations sur la contractualisation d'une installation agrivoltaïque, consultez notre article dédié.
8. Les servitudes aussi sont valorisables financièrement dans le contrat de location.
Dans un bail emphytéotique, le développeur / opérateur négocie non seulement une surface à louer au propriétaire pour y installer ses panneaux photovoltaïques, mais il se réserve également la possibilité de constituer des servitudes.
La servitude de passage permet de relier certaines installations d’une centrale photovoltaïque entre elles et/ou au réseau de distribution.
La servitude d’accès permet le passage en tout temps de toutes personnes, engins, grues et tous véhicules sur le terrain objet du bail.
La servitude de tour d’échelle autour de la centrale photovoltaïque permet d’effectuer la maintenance. En pratique, cette servitude est concédée sur une distance de 5 à 10 mètres de largeur tout autour de la centrale photovoltaïque.
Ces servitudes grèvent le terrain loué jusqu’à l’expiration du bail, de sorte que le propriétaire doit nécessairement les valoriser dès la promesse de bail.
9. Pour vous, propriétaires, le bail emphytéotique ne prévoit aucune charge.
Une fois encore, la loi considère que le locataire bénéficie des avantages et des inconvénients de la location long terme du terrain et, en ce sens, l’art. L451-8 al. 1 du code rural et de la pêche maritime prévoit que le locataire a l’obligation d’acquitter les charges, taxes et impôts relatifs tant aux constructions qu’au terrain.
La taxe foncière sera établie au nom du locataire qui en est l’unique et direct redevable pendant la durée du bail emphytéotique.
10. Ne négligez aucune clause, car le contrat s’applique pour longtemps.
Voici ce que l’on retrouve dans une promesse de bail emphytéotique et qu’il faut pouvoir négocier et prévoir. L’objet du bail, sa durée et ses prorogations éventuelles, le montant du loyer et son indexation, les clauses de renégociation, les modalités de paiement, les taxes et charges éventuelles, l’état des lieux d’entrée et de sortie, les améliorations, servitudes, responsabilités et assurances, les dégradations, la substitution de bailleur ou du preneur, la cession, la sous-location éventuelle, l’apport en société, résiliation du bail, le démantèlement, etc. Il est donc essentiel de bien s’entourer lors de la signature de la promesse de bail pour prendre la mesure de ses obligations. Pour en savoir plus pour votre projet, consultez nos articles sur le choix de son développeur photovoltaïque, le montant possible du loyer, et les 10 choses à savoir avant louer son terrain pour y installer une centrale.
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